"Ceux qui voulaient me briser y sont parvenus..."
extrait de la dernière lettre de Jacques Bouille à sa famille





lundi 17 janvier 2011

Quelques nouvelles questions et leurs réponses (1)


Je profite de ce moyen de communication "libre" qu'est encore internet, pour répondre publiquement à quelques questions qu'on me pose souvent. Ces explications seront susceptibles d'apporter des informations concernant des éléments qui demeurent, peut-être, encore totalement ignorés.

M.-A. Bouille


Question 1 : La restitution de vos bijoux a donné lieu dernièrement à un article dans la presse. Où en êtes-vous ?

La restitution de ces bijoux n’a toujours pas été faite. Je sais pertinemment que le mot « bijoux » suffit à lui seul à faire beaucoup fantasmer. Pour certains, il contribue aussi à me discréditer. Je l’accepte et je l’assume. Le problème, c’est qu’en agitant ce chiffon rouge, la plupart des gens ne voient plus où se situe le vrai scandale : car il y a véritablement un scandale. Contrairement à l’avis des juges d’instruction, les juges de la cour d’appel de Montpellier ont considéré que ces objets devaient m’être rendus. Or, depuis le 20/04/2010 (date de la décision de justice) puis du 24/06/2010 (date à laquelle les juges d’instruction s’engagent à me rendre elles-mêmes ces bijoux), il ne se passe rien. La raison avancée par le procureur Dreno en a fait sourire -et même rire- plus d’un au palais de justice : la greffière n’est pas malade depuis six mois, de plus, il y a, sans doute, quelques greffiers encore valides… Le scandale, c’est que des juges n’appliquent pas une décision de justice qui les concerne !
La réponse dilatoire du ministère m’a laissée perplexe. C’est pourquoi, j’ai décidé de déposer une plainte pour abus de confiance. Mes avocats finissent même par trouver cette lenteur suspecte. A vrai dire, que cache réellement ce retard ?
Une décision de justice a été rendue, qu'on n'applique pas. Pourquoi ?
C’est une preuve supplémentaire de cet acharnement constaté contre nous et du dysfonctionnement de la justice.

=> Document : plainte déposée (page 1, page 2).
Ce document a été adressé par recommandé avec avis de réception au procureur de la République, M. Dreno, avec copie au procureur général à Montpellier et au ministre de la Justice.



Question 2 : Voilà presque deux ans que « l’affaire Bouille
» a débuté. Pouvez-vous nous dire où elle en est aujourd’hui ? En avez-vous le droit ? Pourquoi ne pas vous être exprimée plus tôt ?

Oui, comme je l’ai appris par la suite, je peux m’exprimer librement au sujet de l’affaire. Mes avocats, eux, sont tenus au secret de l’instruction. Cependant, dans ce respect, il leur est arrivé de s’exprimer par voie de presse, lorsqu’ils ont jugé que c’était utile à la défense de mes intérêts.
Au tout début, j’étais, bien entendu, sous le choc, et j’avais bien d’autres préoccupations beaucoup plus urgentes et pratiques : découvrir comment ma famille pouvait parvenir à aider mon époux qui se trouvait alors en détention, les démarches à accomplir pour que ses enfants obtiennent un droit de visite, comment lui faire parvenir un peu d’argent, des vêtements… Moi-même, j’étais interdite de séjour à St Cyprien, notre maison était sous scellés, de très nombreux problèmes à régler rapidement se sont présentés.
De plus, mon avocat d’alors m’avait recommandé de me taire. Mais aujourd’hui, je me rends compte que cette attitude n’est plus de mise, puisque la présomption d’innocence et le secret de l’instruction n’ont même pas été respectés en ce qui nous concerne. Le dossier contient aussi des éléments dont j’ai à présent connaissance et qui m’obligent à réagir.


Question 3 : Vous avez tout de même entamé des actions en justice. Quelles sont-elles et où en sont-elles ?

En ce qui concerne le dossier ouvert à propos de la mort de Jacques Bouille, j’ai tenu à demander la restitution des organes de mon époux car, comme pour toutes les familles qui ont eu à subir la même épreuve (celle de l’autopsie d’un des leurs), il m’est insupportable de savoir que le corps que nous avons enseveli est incomplet, qu’il ne repose ni dans son intégralité ni dans son intégrité. Et pourquoi cela ? A cause d’une loi absurde, et abominable pour les proches. Il me semble d’ailleurs qu’un projet de réforme est à l’étude… Mais tout est tellement long quand il s’agit de la justice ! De plus, le fait de ne pas restituer aux familles les organes prélevés et analysés, laisse planer toutes sortes de doutes inquiétants. Dans mon cas, une méfiance totale s’est installée à partir du moment où j’ai eu accès aux différentes pièces contenues dans ce dossier : qu’il s’agisse des procès verbaux concernant la prison, la constatation du décès, l’autopsie… j’ai pu remarquer des incohérences qui me choquent profondément.


Question 4 : Vous attaquez l’Etat. Pourquoi précisément ? Il est rare que sa culpabilité soit reconnue. Quelles sont vos attentes ?

Concernant l’ « affaire Bouille », le premier scandale est le traitement qui nous a été réservé à mon époux et à moi-même. C’est pour cette raison qu’une plainte a été déposée pour non-respect de la présomption d’innocence et du secret de l’instruction. Dès notre mise en garde-à-vue, nous avons été désignés comme coupables dans les médias et par les procureurs de la République qui se sont exprimés lors de plusieurs conférences de presse. Cette culpabilité ne faisait de doute pour personne, après avoir entendu, par exemple, les propos du procureur Dreno, s’exprimant lors de la conférence de presse donnée au moment de l’incarcération de mon époux. Tout le monde l’a vu et entendu sur les écrans qualifier de sa propre initiative les déclarations de mon mari de « mensongères », jugement personnel inadmissible, étant donné que rien jusqu’à aujourd’hui, dans le dossier, ne prouve la culpabilité de Jacques Bouille ! Alors, je m’interroge sur les intentions du représentant du ministère public…


Question 5 : Mais l’avocat de votre mari à l’époque n’avait-il pas lui-même fait une déclaration en ce sens ?

Tout à fait. Et nous avons été les premiers abasourdis d’entendre l’avocat de mon époux dire que Jacques Bouille avait reconnu sa culpabilité concernant certains délits qui lui étaient imputés. Cependant, à cette époque, je n’avais pas connaissance des déclarations de mon mari, je ne pouvais pas entrer en contact avec lui, je n’ai jamais pu le revoir. Ma fille, quand elle a enfin pu lui rendre visite, lui a demandé ce qu’il en était exactement, et il lui a répondu que c’était faux. Lui-même n’était pas au courant des propos de son avocat, ne les ayant pas entendus à la télévision ou à la radio. A partir de là, nous avons fait en sorte de le mettre en contact avec un autre avocat en dehors de la région, car nous avions de grandes inquiétudes pour la défense de Jacques. Je suis d’ailleurs en train d’essayer de faire une action à ce propos, mais… c’est très difficile car, malheureusement, on se heurte à beaucoup de réticences.


Question 6 : Quelles autres actions avez-vous entreprises ?

Il y a l’action de non-assistance à personne en danger et d’homicide involontaire pour laquelle je suis représentée par mon avocat parisien, maître Dartevelle. Sous le choc de la mort de leur père, la première réaction de mes enfants a été de croire à un assassinat… Pour ma part, j’avais tiré la sonnette d’alarme au mois de mars, en téléphonant au centre pénitentiaire et en écrivant à la juge Haye : lors d’un parloir avec ma fille, mon époux lui avait, en effet, dit à plusieurs reprises qu’il envisageait de se donner la mort afin que son calvaire s’achève. J’ignorais alors que le suivi « spécial » mis en place pour sa surveillance ne durerait pas et qu’il le considérait plutôt comme une mesure de rétorsion étant donné qu’on venait le réveiller toutes les heures durant la nuit afin de s’assurer qu’il était bien toujours en vie !
J’ai découvert, avec horreur, la manière dont il a été traité, au point que je finis par me demander si ce n’était pas intentionnel. Lorsque, après son décès, j’ai appris que, malgré mon intervention auprès de la juge, on avait laissé à sa portée des objets susceptibles de l’aider à se donner la mort comme la ceinture de son peignoir, celle de son costume, ses lacets de tennis, des lacets de chaussures, la cordelette des lunettes, des lames de rasoir… je me suis dit que cela faisait effectivement beaucoup. Trop. Ces négligences ont eu une conséquence désastreuse.
Tout comme cette durée d’emprisonnement absurde. Pourquoi une si longue détention ? Elle n’avait plus de « provisoire » que le nom. Jacques Bouille a été victime -et cela mérite d’être dénoncé !- d’un acharnement évident, dans les médias également… et qui, malheureusement, perdure, comme on a pu encore le voir récemment dans un supplément de l’Express. Il est mort, c’est si facile de s’attaquer à un mort ! Je persiste à croire que mon mari serait toujours en vie si sa demande de remise en liberté au bout du quatrième mois avait été accordée. Mais la justice n’a pas estimé qu’elle devait faire droit à la demande de nos avocats.

(...)