"Ceux qui voulaient me briser y sont parvenus..."
extrait de la dernière lettre de Jacques Bouille à sa famille





vendredi 21 mai 2010

In Memoriam



Il y a un an, Jacques Bouille se donnait la mort dans sa cellule de la prison de Mailloles à Perpignan.
Une messe sera célébrée en sa mémoire le lundi 24 mai 2010 à 10h, en l’église de St Cyprien Village.
Merci à tous ceux qui s’associent sincèrement à la douleur de sa famille. Que ceux qui l’ont aimé aient une pensée pour lui.
Son épouse, ses enfants, sa famille.



St Cyprien
Avis de messe
In Memoriam

Ses amis et un collectif de l’ancienne municipalité vous font part de la célébration d’une messe anniversaire à la mémoire de notre ancien maire Jacques Bouille, le 24 mais 2010 à 10h en l’église de St Cyprien Village. Ceux qui ne pourront assister à l’office pourront aller se recueillir au cimetière en témoignage de l’amitié qu’ils portaient à un maire qui a marqué sa ville par ses réalisations.



Hommages :

Vous pouvez avoir une pensée pour lui en écoutant le morceau de musique suivant.

Mozart - Clarinet Concerto in A Major, K. 622 - Adagio by 101 Classics on Grooveshark


YO VOY SOÑANDO CAMINOS

Yo voy soñando caminos
de la tarde. ¡ Las colinas
doradas, los verdes pinos,
las polvorientas encinas ! ...
¿ Adónde el camino irá ?
Yo voy cantando, viajero
a lo largo del sendero...
—La tarde cayendo está—.
«En el corazón tenía
la espina de una pasión ;
logré arrancármela un día,
ya no siento el corazón.»

Y todo el campo un momento
se queda, mudo y sombrío,
meditando. Suena el viento
en los álamos del río.

La tarde más se oscurece ;
y el camino que serpea
y débilmente blanquea
se enturbia y desaparece.

Mi cantar vuelve a plañir :
«Aguda espina dorada,
quién te pudiera sentir
en el corazón clavada.»
A. Machado, Cantares

MÊME QUAND NOUS DORMONS

Même quand nous dormons nous veillons l'un sur l'autre
Et cet amour plus lourd que le fruit mûr d'un lac
Sans rire et sans pleurer dure depuis toujours
Un jour après un jour une nuit après nous.
P. Eluard, Le Dur Désir de durer


Odi et amo. Quare id faciam, fortasse requiris.
Nescio, sed fieri sentio et excrucior.
Catulle 85

Sine te... tecum, semper.
MAB



Papa,
mon papa,

Cela fait un an.
Déjà.

C’est incroyable. Et ça ne veut rien dire.
Abominable anniversaire.
Je n’arrive pas à concevoir que tu puisses ne plus être là, parmi nous. Avec nous.

Quel manque !... Quelle perte insensée !

J’avais tant besoin que tu m’apprennes encore… Tout ce que tu savais ! Tu avais tant à m’expliquer ! Tu savais me faire découvrir, et comprendre, tu savais me rassurer… à propos de la vie, des êtres et des choses, de la maladie… de la mort même. Plus personne, jamais, ne le fera comme, toi, tu l’aurais fait.

Plus jamais mon front à ton épaule, comme cela nous arrivait parfois...

Pourquoi nous avoir quittés ? Une autre des innombrables questions qui restera sans réponse.

Tu aimais tant la vie, tu aimais tant de choses… Que t’a-t-on fait ? Dans quel état t’a-t-on mis pour que tu en arrives à cette extrémité ? Pour te pousser à t’y résoudre…
Toi qui t’es toujours occupé des autres, au point que nous, enfants, regrettions de t’avoir si peu à nous. Qui s’est préoccupé de toi ? Toi qui as tant travaillé, soigné, parlé, aidé, consolé… donné tellement de ton temps, et de ton énergie ! Il ne devait malheureusement plus t’en rester assez pour toi-même.

Et l’espoir, qu’en as-tu fait ?… Comment est-on parvenu à te tuer l’espoir ? Cela, je ne le comprendrai jamais.

Tu nous as laissés. Tu t’es abandonné toi-même… tu m’as abandonnée -c’est sûrement comme cela qu’un enfant ressent toujours les choses, quel que soit son âge- et me voilà parlant au vide et au silence.
Mais toi, le seul à qui je devrais dire cela, tu n’es pas là pour l’entendre. Que faire alors, sinon le dire à tout le monde ? Crier, hurler. A quoi cela servirait-il, en définitive ? Et faut-il toujours que tout soit vain ? Est-ce que la peine, la douleur, le désespoir se partagent ? Réellement ? Qui en voudrait ? Chacun les siens, n’est-ce pas. Il y en a déjà trop. De toute manière, je n’arriverais pas à faire des bouts assez petits des miens pour en donner à tout le monde…
Me taire alors, tout simplement. Comme on nous a toujours demandé de le faire, depuis le début. Et souffrir seule, en silence. Comme tu es mort seul, et en silence. Car personne n’a entendu. Ou bien n’a écouté.

Mais à nous taire, nous crevons, nous aussi. Peu à peu. Nous crevons depuis… longtemps.

Juste après que tu sois parti, j’avais d’abord pensé continuer à t’écrire, à la prison, comme je le faisais depuis des mois. Avant d’apprendre la nouvelle, avant que le téléphone ne sonne ce dimanche matin-là (il y avait du soleil, je me souviens, et il faisait chaud), j’avais écrit une nouvelle lettre, j’allais la poster…
Quand je suis revenue, plus tard, après l’enterrement, je me suis demandé s’il ne fallait pas que je le fasse quand même. Car tout ce que je devais te dire encore, les nouvelles que tu m’avais demandées… qu’en faire ? Je voulais vraiment les envoyer, ces lettres. Elles n’auraient pas eu de réponse, mais tant pis, j’avais pris l’habitude du décalage. J’aurais pu, dans mon esprit, étirer ce temps de l’attente... infiniment.
Mais c’était avant que je sache que tu n’avais même pas reçu les dernières que nous t’avions écrites. Que pas une seule de nos lettres ne t’avait été transmise durant la dernière semaine de ta vie.

Alors, effectivement, j’ai posé mon stylo.

Et j’ai effacé le numéro de ma mémoire. Ton numéro d’écrou.

Un numéro. Des barreaux à la fenêtre. Une vue sur des barbelés. Des murs moisissant. Une porte blindée. Des cris. Voilà ce que tu me disais. Voilà ce que tu as quitté. Je te comprends.
Mais je n’accepte pas. Et ça, j’avais déjà eu l’occasion de te le dire en face.
Ça n’a pas suffi.

Aujourd’hui, voilà tout ce que je peux faire. Si peu ! Presque rien. Encore quelques mots, absurdes, face à l’absurdité. Les miens, et des plus beaux, ceux de poètes. Et puis de la musique... Je sais que tu les aimais.

L’amour est ce qui reste. Et c’est bien le pire. Mon amour pour toi n’a pas disparu, mais il est sans objet désormais. Il tourne comme une âme en peine, c’est bien le cas de le dire. Ce serait si simple, si l’amour que nous avons pour les autres disparaissait avec eux ! Ce serait reposant.

Le repos, c’est très certainement ce que tu voulais. Que s’achève enfin la torture qui s’éternisait… Une torture telle que je ne peux même pas me la figurer, sans doute.

Mais cela aussi, je le comprends. Je le comprends parfaitement.

Et je te pardonne pour le mal que ça me fait, chaque jour. A chaque minute.

Parce que je t’aime.

Ta fille,
Frédérique



Un effroyable acharnement judiciaire a poussé mon père jusqu'à la mort. Comment le pouvoir de décider de la liberté des hommes peut-il encore rester entre les mains d'une poignée de personnes qui ne prennent pas la mesure de leurs actes ?

Il était absolument possible de le remettre en liberté plus tôt. Preuve en est que le lendemain de sa disparition tous les autres détenus concernés par l'affaire ont été libérés.

Il est évident que le pire aurait pu être évité, c'est le plus tragique et le plus scandaleux. Ceux qui en avaient le pouvoir l'ont-ils seulement réalisé et peuvent-ils encore se regarder dans une glace ?

Honte à tous ceux qui l'ont jugé coupable alors que cela n'était pas établi.

François